Il est évident que le brassage des populations migrantes pose aujourd'hui des problèmes cruciaux, en particulier celui du terrorisme islamique qui fait peser sur le pays un climat de guerre civile permanente. Ces problèmes seront prioritaires.
Cependant, ne pensez-vous pas que l'évolution des mœurs pose des problèmes encore plus cruciaux que le multiculturalisme?
Hélas, oui ! Mais le problème est si important qu'il ne peut être évoqué dans une modeste note. Je vais toutefois donner quelques orientations de réflexions et je me réserve la possibilité d'intervenir ultérieurement, en fonction de vos propres remarques positives ou non et de vos interrogations.
Préalable : je suis évolutionniste et progressiste. Evolutionniste darwinien, même si la théorie de Darwin est, par nature, elle-même, sujette à ... évolution. Prenons deux exemples: la taille des individus: sous Napoléon 1er, pour faire partie de la garde impériale il fallait être géant, c'est-à-dire mesurer au minimum 1,70 m.! Les conseils de révision de l'époque montre le nombre impressionnant de conscrits mesurant 1,50 m / 1,60m... voire 1,40 m (auquel cas les "appelés" étaient ...réformés !) Autre exemple, celui de la longévité: hier 60 ans, aujourd'hui, 80 ans, demain on prévoit des millions de centenaires ! Evolution des mentalités, ex: notre attitude vis à vis du monde animal; Descartes (XVIIème siècle), par ailleurs brillant philosophe, pensait que les animaux ne souffraient pas !
Je pense que nous nous situons sur une droite xy, comme nous l'apprenions en classe de 6ème, avec la notion des deux infinis, chacun d'entre nous portant en lui-même, à la fois, toute une histoire passée et le ferment d'une histoire à venir. Et cette évolution est par nature progressiste.
Et je demande aux nostalgiques qui regrettent le bon vieux temps de jadis d'imaginer ce que c'était que vivre dans une maison sans chauffage, sans eau courante (le seul point d'eau était celui d'une pompe extérieure, qui remontait parfois des sangsues et dont l'analyse prouva qu'elle n'était pas potable !) et sans toilette, autre que des wc à la turque au fond de la cour. Et ces conditions de vie étaient celles de mon premier poste permanent d'enseignement, celles dans lesquelles ont été élevés mes deux premiers enfants. Et ces conditions étaient considérées comme normales, à l'époque, le village de 700 h. environ, ne possédait que 3 voitures, celle du maire, du menuisier fabricant de bateaux et celle du boulanger qui portait le pain dans les écarts ! Ces conditions ne sont pas si éloignées puisque je suis encore en vie, et à fortiori mes enfants, mais pour l'enfant qui naît aujourd'hui avec une douche et une brosse à dents, avec la télévision, l'ordinateur et le portable, cette évocation du passé est inimaginable, inconcevable. Jamais, peut-être, les conditions de vie n'avaient autant évolué au cours d'une génération.
Il faut toutefois préciser que l'évolution n'a pas d'état d'âme, qu'elle est le résultat à la fois de facteurs naturels (aujourd'hui plus ou moins prévisibles, sans que nous puissions y remédier, comme le volcanisme, le glissement des plaques tectoniques, etc.) - et de facteurs humains (progrès technologiques par exemple), que cette évolution est le plus souvent d'abord pernicieuse, avant de devenir positive (ex: le nucléaire, hier: Hiroshima, Nagasaki - aujourd'hui, source d'énergie et progrès considérables dans le domaine de la chirurgie, de la communication et en particulier la connaissance de l'Univers. Seule la sagesse humaine permet à l'évolution d'être porteuse de progrès, or, la sagesse humaine est peut-être la plus mal partagée !
Le XXème siècle est probablement le siècle où les mentalités ont le plus évolué. Et les progrès technologiques fulgurants ne sont pas les seules causes. J'ai eu l'occasion d'évoquer dans mes notes précédentes la bataille d' Azincourt, les guerres napoléoniennes, mais la "tuerie" de 14-18 dépasse en horreur toutes les guerres précédentes : les pertes humaines (y compris les disparus qui n'ont pu être dénombrés) sont évaluées (toutes nations confondues) à près de 19 millions d'individus auxquels il faut ajouter plus de 21 millions de blessés. Dans chaque village, les monuments aux morts sont un rappel émouvant et permanent. Les conséquences furent multiples.
Prenons comme exemple l'accentuation de l'émancipation féminine, les femmes, en milieu rural, ayant dû prendre "les mancherons de la charrue" et dans les usines, remplacer les ouvriers "aux machines". Autant par souci d'économie que pour faciliter le mouvement dans les travaux réservés traditionnellement aux hommes, les robes raccourcissent et laissent voir le mollet. A la fin du siècle, ce ne sont plus les mollets, mais le corps entier qui est offert aux regards. Ce modeste exemple montre le chemin parcouru en un siècle !
Autre exemple celui du patriotisme exacerbé des anciens combattants et en réponse, le "plus jamais ça", politiquement traduit par le non-interventionnisme et le pacifisme. D'ailleurs, pourquoi nous serions nous inquiétés ? puisque le ministre Maginot, au cours de ses 4 mois de mandat a imaginé une super tranchée qui allait élever une frontière infranchissable entre l'Allemagne, notre ennemie héréditaire, et nous ! Ajoutons dans ces années trente, l'euphorie des progrès sociaux: les premiers congés payés, les vacances à la mer, à la montagne, le développement du parc automobile, symbole de liberté, d'évasion. Les menaces nazies étaient pourtant patentes: 1938, mars, l'Autriche annexée, septembre, les accords de Munich... mais nous n'en avions cure ! A sa descente d'avion, le président du Conseil, Daladier, est applaudi par les pacifistes, lequel Daladier aurait répondu par cette boutade : "Ah! les cons, s'ils savaient !"
A l'extrémité du siècle ,face aux islamistes les pacifistes sont toujours présents ! Surtout, ne pas intervenir, "ils nous foutront la paix" ! L'angélisme ? une douce illusion doublée d'irresponsabilités. (A l'heure même où j'écris ces lignes, j'apprends le drame de Manchester, une 20aine de morts, une 60aine de blessés)
Revenons aux faits, l'entre-deux-guerres n'aura été qu'une brève récréation. La seconde guerre mondiale portera l'horreur à son paroxysme : entre 60 et 80 millions de morts, soit 2.5% de la population mondiale ! Et un nouveau degré dans la violence: parmi les victimes, plus de la moitié sont des victimes civiles. A ce bilan s'ajoutent les traumatismes des camps de concentration en Allemagne, des goulags en Union soviétique et ceux de le révolution culturelle (maoïsme) en Chine, et ailleurs: Cambodge, Argentine, Chili, etc. Et, à la conclusion, le même "plus jamais ça", le même élan pacifiste et, pour avoir été témoin et acteur de cette époque je peux en parler en toute objectivité.
En 1948, un aviateur américain, dont l'avion avait été abattu au-dessus de l'Allemagne et qui avait mesuré les horreurs de la guerre, abandonne la nationalité américaine, se place sous la protection de l'ONU et fonde l'organisation des "Citoyens du Monde" (Le texte de la "déclaration" est rédigé par Albert Camus). J'arbore, alors, fièrement à la boutonnière l'insigne distinctif (un personnage stylisé, bras et jambes écartés dans un cercle). En 1949, bible ouverte, "tu ne tueras point", je suis objecteur de conscience: j'envisage un service civil (ou magnanime la prison) au lieu du service militaire.En 1950, je colle sur les murs de la ville l'appel de Stockholm qui exige l'interdiction absolue de l'arme atomique (à cette occasion je ne dois qu'à ma rapidité d'échapper aux "hirondelles", ainsi désignait-on les agents de police qui, couverts d'une longue cape, se déplaçaient à bicyclette) Quatre ans plus tard, la Toussaint rouge en Algérie me bouleverse. Entre temps je me suis marié, une petite fille est née, les réalités de la vie quotidienne m'ont fait prendre conscience du caractère utopique de mes engagements et je suis presque heureux d'être utile en partant pour l'Algérie où j'ai pour mission d'aider les gendarmes au rétablissement de l'ordre. Je découvre qu'en réalité il s'agit d'une guerre contre un ennemi invisible, dont l'arme aveugle est le terrorisme. Ce terrorisme, alors circonscrit à des foyers relativement restreints, ( Algérie, Palestine, etc.) ne va cesser de s'étendre pour embraser l'ensemble de la civilisation dite occidentale. Aujourd'hui, ce ne sont plus les départements algériens qui sont menacés, c'est la métropole qui est en état de siège !
Je reviens d'Algérie pour la rentrée scolaire 59-60, et à cette occasion, j'apprends, lors de la conférence annuelle de l'Inspecteur de l'Enseignement du premier degré, que l'enseignement de la morale est pernicieux ("c'est la carotte pour faire avancer les ânes" (sic), en conséquence la morale est retirée des programmes ! Cette mesure préparait les évènements de mai 68.
Si, comme on disait à l'époque, j'avais viré ma cuti, si le mouvement des Citoyens du Monde s'était essoufflé au point de disparaître, le mouvement hippie avait pris la relève. Ce mouvement touche principalement les jeunes issus du "baby-boom" de l'après-guerre, ils dénoncent les valeurs traditionnelles et la société de consommation, leur credo : la liberté "Il est interdit d'interdire". En fait, leur " liberté " est essentiellement sexuelle ! "Peace and love". Le mouvement aura une influence majeure dans le domaine vestimentaire, dans celui de la musique, il sera un facteur dans l'évolution des mœurs avec les conséquences que nous subissons aujourd'hui: la drogue, les MST (maladies sexuellement transmissibles), en particulier le sida. Les Hippies proprement dits vont peu à peu disparaître mais laisseront une marque durable, celle d'une vie communautaire et marginale (cf. les zadistes, comme à N.Dame des Landes), celle aussi de rassemblements monstres festifs autour de la musique techno:
Lors du dernier w.e du 1er mai, à Pernay (37), sur un terrain d'une 50aine d'hectares occupés illégalement, un "Teknival" a rassemblé pendant 3 jours 40 000 "teufeurs" (environ) venus de France et des pays voisins. Outre deux décès par overdose et des dizaines d'interventions pour malaises, les dégâts collatéraux sont évalués à plus de 650000€, sans compter les traumatismes subis par les habitants de ce modeste village rural et en particulier celui du propriétaire du champ ! (sources: Nouvelle République du Centre-Ouest) (Teknival: contraction de Festival et de musique Techno- Teufeur en verlan, fêtard)
Cet exemple montre que l'évolution des mœurs est bien un problème d'actualité, issu de la "révolution" précédente (XXème siècle), cette évolution n'a pas que des aspects négatifs, loin de là, nous y reviendrons, ce n'est qu'un exemple qui imposera des réponses politiques.
Toutefois il est important de souligner que ces mouvements libertaires ont subi l'influence de philosophes, dénommés "intelligentsia" ou "gauchistes" par opposition aux "intellectuels" qualifiés de "droite".
Cet article exceptionnellement long se prolonge sous le titre
"Présidentielles - 9 (B)