LA FRANCE EST MALADE . LA REPUBLIQUE FRANCAISE EST MALADE. Anémiée progressivement depuis plusieurs décennies, la politique perd tout son sens. La France dans ses institutions-mêmes se meurt. Aujourd’hui elle est agitée de convulsions ictériques touchantes, émouvantes, tragiques, convulsions qui courent le risque d’être sans lendemain, de n’être que la phase ante mortem. Les masques respiratoires, les onguents, les emplâtres ne sont plus suffisants, il faut opérer dans l’urgence et avec sang-froid.
Le bilan est sans appel : Les Français ne croient plus dans leur mode de représentation. Ils ne se sentent plus représentés. Le parti désormais majoritaire en France est celui des abstentionnistes. Aux dernières élections législatives le % des abstentionnistes était de 51,3% au 1er tour, 57,36% au 2nd tour, et ce fossé n’a fait que s’aggraver lors des élections partielles qui ont suivi ! Avec 16,5% des inscrits, la REM a obtenu 308 sièges au Parlement, soit une large majorité ; les élus l’ont été légalement et incontestablement, mais de quelle légitimité morale peuvent-ils se prévaloir, quand ils ont été élus à l’encontre de 83 Français sur 100 ? Devant l’inanité de leurs représentants, les électeurs, désabusés, ne se déplacent plus. Pourquoi voter ? « Tous… pourris ! » Parallèlement, les partis se vident, les syndicats se vident, les devoirs civiques ne sont plus perçus. Dans les associations caritatives elles–mêmes, qui dans bien des cas corrigent les carences de l’Etat, les volontaires, bénévoles, épuisés, sont au bord du renoncement.
Le diagnostic est clair. En admettant que la Constitution de la 5ème République, dictée par de Gaulle à Michel Debré, ait pu être utile au sortir d’une guerre mondiale, elle est aujourd’hui obsolète, comme le sous-entend la député LREM Sabine Thyllaie : « Depuis 50 ans on a beaucoup évolué, l’Etat non »(N.R du 14/1). La République est faussement parlementaire, d’aucuns diront qu’elle est jacobine, d’autres qu’elle est monarchique. L’Assemblée Nationale et le Sénat sont des coquilles vides, les parlementaires y font de la figuration ; quels que soient leurs amendements, force reste au pouvoir exécutif qui a toujours dans sa poche le 49/3. C’est la dictature de la « pensée unique ». Un parlementaire de la majorité ose t-il manifester son désaccord ? Il est immédiatement démissionné. Jadis, il eût été le sujet du Roi-soleil, naguère le godillot du Général, il est aujourd’hui le connard du Dieu Jupiter. Désabusés, convaincus de leur inutilité, les parlementaires sèchent les séances, les commissions, se réfugient dans leurs circonscriptions où, don quichottesques, ils moulinent dans le vide, ressassant les vieilles lunes des promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent, l’essentiel étant désormais de se maintenir sur leur siège et, si possible, de le proroger. Or, les parlementaires ne sont pas des pourris, ce sont le plus souvent des citoyens généreux, engagés, qui voudraient que leurs idées soient prises en considération.
Une solution : le « grand débat » proposé par le gouvernement ? Comment peut-on imaginer un seul instant que l’on puisse passer subitement d’une république monarchique à une démocratie directe ? Ce « grand débat » est sans issue. C’est une mesure dilatoire destinée à anesthésier les gilets jaunes, à gagner du temps, le débat va traîner en longueur, les élections européennes vont accentuer la diversion, à la limite, des mesurettes seront annoncées par le gouvernement mais ne seront pas appliquées et les gilets seront à la mesure de leur couleur symbole : « cocufiés ». Ainsi se trouvera vérifié une nouvelle fois l’adage du p’tit père Queuille, pour ceux qui l’ont connu : « la politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes mais de faire taire ceux qui les posent ! » Ou bien, les gilets jaunes, méfiants, éviteront le piège tendu, leur mouvement enflera, les casses deviendront des échauffourées prémices d’une guerre civile, dont personne ne veut, à commencer par les gilets jaunes eux-mêmes mais que guettent les casseurs des ghettos de non-droit suburbains et peut-être, hélas, les terroristes islamistes, les uns et les autres, tapis dans l’ombre. Devant la fourberie d’un « grand débat » et le risque d’une révolution, il n’y a qu’une solution : la dissolution de l’Assemblée et l’élection d’une Assemblée constituante à représentation très large, la plus égalitaire possible, rassemblant l’ensemble des sensibilités nationales.
Il n’est pas demandé au président Macron de démissionner, il faut que le Conseil des ministres continue à gérer le quotidien, on demande seulement au Président de rétablir, par décret, le scrutin proportionnel afin que tous les Français se sentent représentés et, de fait, concernés par cette Constituante. On m’objectera l’instabilité ministérielle ! On agitera les années 30 de l’Entre deux guerres ! Comme si nous étions aujourd’hui dans la même configuration politique, celle d’une époque où les femmes n’étaient même pas admises à voter ! On évoquera la 4ème République, celle de l’immédiat après-guerre, après un traumatisme dont les esprits n’étaient pas encore affranchis, une époque agitée par les règlements de compte, une époque de recomposition. Enfin ce serait désespérer des partis politiques qui, après le fiasco qu’ils viennent de subir, seraient incapables de réformer leur logiciel dans un sens, enfin, démocratique.
Quoi qu’il en soit, la résolution des problèmes soulevés par la convulsion des « gilets jaunes » ne peut être que politique ; elle doit être prise, non pas dans la rue, ni dans un cadre flou et informel, mais dans le cadre des institutions républicaines ; seule une assemblée constituante pourra en assurer la légitimité incontournable.