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le politiquement correct

  pythecos-11.jpg- Toujours en colère, Pythecos ?
  - Non! Pourquoi serais-je en colère ? la colère  est mauvaise 
    conseillère !
  - Je vous sens bien songeur !
  - Si vous voulez tout savoir, je suis triste, désabusé. Je ressens
    une    immense solitude.
Tout autour de moi, je sens une population anesthésiée. Même les jeunes n'ont plus ce feu sacré, que nous avions au temps de notre jeunesse d'après guerre: nous allions refaire le monde ! Une utopie bien sûr ! Mais qui nous projetait vers l'avenir, qui nous donnait des ailes. Nos techniciens, nos savants allaient révolutionner la société. Le progrès allait transformer la condition humaine. C'était - entre nous - à qui serait le mieux-disant, le mieux-faisant ! Aujourd'hui, l'écroulement de l'Education Nationale et, avec elle, l'écroulement des valeurs laïques ont transformé la méritocratie en médiocratie. Les oreilles obstruées par les écouteurs et les yeux rivés sur les écrans, les jeunes sont devenus sourds et aveugles. Leurs pensées sont corsetées en quelques lignes sur les réseaux sociaux. Les "selfies" ne dépassent pas le niveau zéro du narcissisme !

- Vous êtes bien sévère, Pythecos. Admettons. Si vous dites  vrai, quelle en serait la cause ?

- Vous voulez dire: les causes ? Car elles sont multiples. L'une d'entre elle est sans contexte le "politiquement correct".

 - Pourquoi ?  Le "politiquement correct" est tout simplement un procédé destiné à édulcorer des expressions qui pourraient être ressenties comme blessantes.

- Je le sais, comme vous êtes "policé", en d'autres termes "courtois", vous ne  direz pas que je suis un vieillard mais une personne âgée ! Ce sens premier, qui nous vient de l'anglais, s'est peu à peu confondu avec la "nov'langue". Cette nov'langue a été inventée par le romancier anglais George Orwell, dans son roman 1984, publié en 1949. Son principe est simple: " supprimer toutes les nuances d'une langue", le discours manichéen "si tu n'es pas pour, tu es contre, il n'y a pas de milieu" (!) "Ce type de raisonnement permet "d'éliminer tout débat, toute discussion, donc toute potentielle critique de l'Etat". Le résultat est catastrophique. Le "politiquement correct" devient la parole officielle, elle élimine tout esprit critique ! Le "politiquement correct" devient postulat, pire: un axiome.

    - Si je comprends bien, il y aurait glissement de sens : le politiquement correct serait une certaine façon de penser, il y aurait un politiquement correct de gauche et un politiquement correct de droite....

     -(sourires) Non ! Le mot politiquement est ambigu. Il ne renvoie pas à la classe politique, aux politiciens. Vous confondez intelligentsia et nomenclatura. Cette dernière désigne ceux qui ont le pouvoir (politique, économique, culturel) et dont le souci premier est de le conserver le plus longtemps possible. Leur action se borne au quotidien et, dans leur grande majorité, ces "politiques" sont bien incapables d'imaginer, d'échafauder des systèmes de pensée qui révolutionneraient le devenir de la société. L'intelligentsia est composée d'intellectuels (philosophes, sociologues, scientifiques, littéraires, artistes, décideurs médiatiques....), le plus souvent en retrait de la scène, qui décident de ce qui est bon ou mauvais, qui influent, entraînent et dirigent l'opinion publique. Ce sont eux, ces "intellectuels" qui décident de ce qui est politiquement  correct ou incorrect.   

     - Pouvez-vous nous donner un exemple ?

     - Certainement. Si je prends le mot "colonisation", il est automatiquement remplacé par "colonialisme" qui est - par définition le mot politiquement correct - un système injuste, surtout quand le colon est européen, un système qui a vu les colons réduire les indigènes, principalement les Maghrébins et les Africains (sud-sahariens) en esclavage.
     Si je persiste à vouloir défendre la colonisation, nuançant les aspects négatifs et les aspects positifs, en la distinguant du colonialisme, mon argumentation ne sera pas reconnue, on ne discute pas un axiome ! Je serais tout simplement vilipendé, puis cloué au pilori. Je serais "de droite", puis "d'extrême droite", puis un "fasciste" et finalement... un "nazi" !
     Le même sort m'est réservé si je dénonce le mythe gaullien ! De Gaulle, fut un grand général, un grand résistant, un grand homme d'état, etc. Il a trahi sa parole, compromis l'essor de la France, permis l'installation en Algérie d'une dictature militaire, contraint des millions d'Algériens à se réfugier dans l'ex-métropole pour échapper au régime policier et à la misère économique, etc. Si, donc, je dénonce le mythe gaullien, c'est que je suis un collabo, donc un pétainiste, donc un fasciste, donc un nazi ! Voyez le sort réservé aujourd'hui aux intellectuels qui osent s'élever contre le "politiquement correct" !

     - La France est quand même l'héritière des "Lumières" du XVIIIème siècle, de Montesquieu à Condorcet. Votre jugement est sévère, ces Lumières se seraient-elles éteintes ?

     - Précisément, vous abordez, par ce biais, une histoire du politiquement correct. Vous imaginez bien qu'elle ne peut pas se résumer en quelques lignes. Je vais toutefois esquisser ce que fut cette évolution, en trois temps forcément réducteurs.

       Les "Lumières" du XVIIIème siècle de Montesquieu à Condorcet, en passant par Diderot, Voltaire, Rousseau et bien d'autres, ont abouti à la Révolution française de 1789 et à la rédaction des "Droits de l'Homme et du Citoyen". Hélas, ces idées généreuses ont été vite dévoyées par les ambitieux, les jaloux, les pervers de toute sorte.... elles ont abouti à un terrorisme aveugle qui n' avait rien à envier à l'actuel Daesh, allant jusqu'à inventer un outil capable de décapiter plus rapidement et en plus grand nombre ! Politiquement, la Révolution a donné naissance à un pouvoir impérial, puis à la restauration de la monarchie. Certains ont conclu à un échec.

      Deuxième temps,  Marx va révolutionner la pensée: c'est l'époque de la lutte finale... de l'Internationale... Joli cœur sous une peau de vache / Grand cœur sans en avoir l'air / Révolutionnaire sans tache / Oui, Staline est exemplaire.... ! la suite fut celle des désenchantements... Sartre essaiera de maintenir le cap en glissant sur le ...maoïsme ! Sans commentaires ! Aujourd'hui le communisme expression politicienne du marxisme a pratiquement disparu, il n'atteint même plus les 5% des suffrages pour voir ses frais de campagne remboursés.

    Troisième temps, si le marxisme a échoué, tout est de notre faute. C'est le temps de la culpabilisation. C'est la faute à la colonisation, au capitalisme, au mondialisme, etc.  Sous l'influence des ethnologues, c'est le retour du mythe du bon sauvage. Notre civilisation , dite occidentale, n'est pas supérieure aux autres civilisations, toutes se valent. Y compris la civilisation islamique. Il faut l'accepter telle qu'en elle-même. 
   Puisque la civilisation occidentale est coupable, il faut la déconstruire. C'est la théorie du déconstructivisme. Il faut tout déconstruire, à commencer par l'éducation des enfants. On ne doit pas aliéner l'esprit des enfants en leur imposant des savoirs. L'enfant doit acquérir par lui-même ce qu'il a envie de savoir. Place au libre-arbitre. Ce déconstructivisme se traduit en langage populaire par "Tout fout l'camp".

    Le déconstrutivisme est le politiquement correct imposé par l’intelligentsia, il inspire le pouvoir et le contrôle; corollairement, profitant d'un relais médiatique puissant, il conditionne l'opinion publique. Le politiquement correct se confond avec la pensée unique: circulez, y'a rien à voir ! Et pour distraire (stricto sensu) les jeunes en particulier,  le pouvoir leur donne des jeux et des tablettes. Tout en laissant croire aux jeunes qu'ils sont sur la voie de la méritocratie, (cf. le % des résultats positifs au baccalauréat), le pouvoir les entraîne sur la voie sans issue de la médiocratie. 

Nous sommes loin, très loin de l'esprit critique enseigné par les Lumières du XVIIIème siècle !  N'y a-t-il pas lieu à être triste, désabusé et de ressentir une immense solitude ?

 

   

 

 

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