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Le livre: lecture et lecteurs

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 En marge de l'enseignement de la lecture: quid du livre-papier et de ses lecteurs ? Pourquoi les jeunes lisent-ils de moins en moins ? La révolution de l'image et du support électronique a t-elle condamné à moyen terme le livre ?

Remarques préliminaires.-  L'écriture précède la lecture. C'est pourquoi l'enseignement de l'écriture (calligraphie) a longtemps précédé l'enseignement de la lecture. Dans un passé récent, les deux enseignements étaient simultanés. L'usage de la plume, autorisant des pleins et des déliés, nécessitait une bonne tenue du porte-plume entre le pouce et  l'index et une certaine souplesse du poignet. Tremper la plume dans l'encrier avait également ses contraintes: trop d'encre et c'était l'inévitable tache (faute mortelle) que buvard et gomme ne corrigeaient qu'imparfaitement quand ils n'aggravaient pas la situation ! L'insuffisance d'encre (faute vénielle) nécessitait des retouches et nuisait à l'esthétique de la présentation. Cet apprentissage lent était soutenu au cours élémentaire: l'inévitable frise clôturait les travaux écrits de la journée. La technique consistait à dessiner des traits (horizontaux, verticaux, obliques) et des ronds de différentes grandeurs, en utilisant le lignage des cahiers, le tout était colorié et l'enfant obtenait, par exemple, des alignements de cerises attachées 2 par 2 ou, pour les frises les plus élaborées, des entassements complexes de cubes. De tels cahiers, retrouvés dans les greniers, forcent aujourd'hui l'admiration. Cette écriture, une fois maîtrisée, ne nécessitait aucun effort, elle était devenue "machinale" et libérait la pensée. Après la seconde guerre mondiale, l'usage du stylo (à pompe), bien qu'encore onéreux, a simplifié l'écriture en supprimant les pleins et les déliés et l'inévitable encrier. La bille et le feutre ont encore simplifié l'écriture manuelle qui, dès lors, pour certains enseignants, ne nécessitait plus un apprentissage systématique. La conséquence est visible: par expérience, certaines copies d'examen sont illisibles. Or, à écriture confuse correspond le plus souvent une pensée confuse. L'apparition aujourd'hui de l'écriture mécanique (ordinateur) ne peut qu'accentuer cette évolution: dans certains Etats américains, l'enseignement de l'écriture est supprimé des programmes.

        L'écriture nécessite un support. Pour s'en tenir au domaine français, le support était le parchemin au format folio et au prix de revient onéreux. La possibilité de l'effacer et de le réécrire (palimpseste) n'était pas un avantage dans la mesure où  le texte précédent disparaissait à tout jamais. Dans ces conditions , et pendant tout le Moyen Âge, la lecture fut le privilège des élites ecclésiastiques et de quelques intellectuels laïcs, en d'autres termes, une infime partie de la population. Quant au contenu, il était essentiellement religieux. Il faudra attendre la fin du XVème siècle et l'invention de l'imprimerie pour que le livre devienne un produit abordable et se répande par colportage. La révolution des idées est, dès lors, considérable: le livre permet la confrontation des points de vue et la réflexion personnelle. La conséquence immédiate et visible fut la naissance du protestantisme et...les guerres de religion. Mais ne nous leurrons pas, au XVIème siècle la lecture ne touche encore qu'une partie de la bourgeoisie urbaine: la noblesse est encore accaparée par les armes et se soucie peu de lecture, quant à la population rurale ( 90 % !) elle demeure et demeurera longtemps encore, analphabète.

        La lecture nécessite un apprentissage. En 1789, l'article 11 de la Déclaration des Droits et de l'Homme et du Citoyen va garantir le droit à l'écriture et corollairement au livre:
 "La libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi." 
        La création des lycées par Napoléon va conforter l'effort des Jésuites au siècle précédent. La loi Guizot va instituer des écoles communales (limitées aux communes de plus de 500 habitants) et des Ecoles Normales pour former les maîtres et les maîtresses, mais les difficultés budgétaires ralentissent les créations. Les hobereaux de villages offrent alors des bourses qui vont profiter à un petit nombre d'enfants. Bien que la gratuité soit instaurée en 1881, les paysans, ayant besoin de main d'œuvre, gardent les enfants près d'eux. Il faudra instituer l'obligation scolaire pour que la scolarisation soit effective. (Cette obligation fut souvent contournée. Au début du XXème siècle, certains garçons arrêtaient leur scolarité à 11 ans, "pour aller au cul des vaches"! Personnellement, je peux témoigner d'une anecdote inattendue: alors que je venais d'être nommé pour la rentrée dans une commune rurale, quelle ne fut pas ma surprise, dans les années 1950, le jour de la rentrée, d'accueillir dans la classe...2 élèves ! Renseignements pris, les enfants étaient tous occupés aux vendanges. La tradition voulait que ..."le p'tit maît' d'école aurait dû savoir..."! Il fallut que j'intervienne auprès du maire et que je brandisse des menaces pour voir enfin s'opérer une "rentrée" normale). Quels que soient ces incidents marginaux, la scolarisation fut générale à la fin du XIXème siècle et totale à partir des années 1930. (Les classes n'étaient pas alors géminées, elles le furent qu'à la fin de la 2nde guerre mondiale). A la scolarisation totale, correspond l'apprentissage de la lecture, en principe généralisé et total. La lecture implique la multiplication et la généralisation du livre papier. Le livre va donc se développer au XIXème siècle et connaître un véritable triomphe au XXème siècle mais, parallèlement à son essor, il va se trouver en concurrence avec l'image, de plus en plus prégnante: photographie, cinéma, télévision. Quid du lectorat, aujourd'hui (2015), dans un espace précis (France) ?.

Lectorat
     L'article 1 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 stipule que les Hommes naissent libres et égaux en droits". En fonction de ce principe, tous les Hommes, quels que soient leur origine et leur niveau social, ont droit à l'apprentissage de la lecture, et c'est le devoir premier de l'Education Nationale. Malheureusement, sous l'influence des "pédagogistes", implantés au Ministère, (l'effet Bourdieu), l'enseignement de la lecture n'a cessé de décroître : " Depuis le milieu des années 70, et malgré la mise en place du collège unique, le temps passé en cours de français par un élève sortant du collège durant sa scolarité (primaire + collège) a diminué de 900 heures. Dit autrement: il y a quarante ans, un élève sortant de CM2 avait bénéficié au cours de sa scolarité de plus d'heures de français que n'en a cumulé aujourd'hui un élève entrant au lycée". [cf.Eric Conan, in Marianne n° 949] Dans la pratique même, il est interdit aux maîtres et maîtresses de faire lire les élèves à haute voix, "pour ne pas les humilier"! A l'école élémentaire les  devoirs écrits à la maison sont interdits; le psittacisme (le par cœur) est fortement déconseillé, entraînant une déficience de la mémoire et quasiment la disparition des leçons. Pire, la nouvelle génération ressent, elle-même, la nécessité  de "revenir aux fondamentaux" (apprendre à lire, à écrire et à compter); mais comment le ferait-elle puisque, issue de la pédagogie Bourdieu,  cette époque et les procédés pédagogiques afférents lui sont inconnus ? Ce sont évidemment les classes populaires qui souffrent le plus de ces déficiences. En effet, les notables inscrivent leurs enfants dans les établissements privés qui ne tiennent pas compte des réformes "pédagogiques (?)" successives. Dans la Gauche en folie, Guy Konopnicki écrit: "Invité un soir à présenter un documentaire aux élèves de l'Ecole alsacienne, excellent établissement d'élite privé du VIème arrondissement, je me croyais à l'énoncé de chaque nom, dans une réunion du conseil national du PS ! Tous les courants étaient représentés par leur descendance." C'est donc bien consciemment que les "politiques" en maintenant leurs orientations pédagogistes, accentuent les inégalités sociales, qu'ils prétendent (hypocritement, défendre par ailleurs.

     Tous les Hommes ont droit à l'apprentissage de la lecture, stipule la Constitution, mais le résultat sera t-il uniforme ? Si les hommes sont égaux en droits, ils ne le sont malheureusement pas en capacité. L'égalitarisme est un leurre. Vouloir aligner tous les enfants sur un même niveau de connaissances est une stupidité et une entorse à la liberté: la réforme des collèges, qui vient d'être votée par l'Assemblée et qui supprime les filières, dites élitistes, est une entorse à la liberté du citoyen, celle de pouvoir s'instruire en fonction de ses capacités. Or, qui profitaient le plus de ces filières élitistes, sinon les classes populaires ? En nivelant le niveau par le bas, ce ne sont pas les enfants des notables qui sont sanctionnés (ils échappent à l'enseignement laïque, soit en rejoignant - comme nous l'avons souligné - l'enseignement privé, soit en prenant des cours particuliers onéreux). Sous prétexte de démocratisation, c'est le niveau de lecture qui est volontairement sacrifié, ce que confirment les différents et réguliers sondages Pisa. Alors que les lois Ferry, à la fin du XIXème siècle, (scolarité gratuite et obligatoire), avaient considérablement fait reculer l'illettrisme, ce dernier connaît un développement de plus en plus inquiétant, au point de faire naître, dès 1985, des groupes de lutte contre cet illettrisme. Et cet illettrisme ne dépend pas seulement des déficients mentaux (leurs cas ne dépend pas de l'Education Nationale, mais des progrès de la médecine), ni des migrants qui arrivent en masse et dont le français n'est pas la langue maternelle, mais bien de la désaffection des jeunes, attirés par les médias qui leur offrent des sons, des images, des jeux vidéos,  qui leur épargnent l'effort de concentration que nécessite la lecture. Nous en avons pour preuve cette réflexion d'un jeune bachelier qui, sortant d'un premier cours de fac, déclara, révolté: "C'est dégueulasse, non seulement il (le prof) nous a donné deux livres à lire, mais il faut les acheter!"

                                                        (à suivre)

 

 

 

 

                                                         
      

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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